Le temple du consumérisme ( la suite de Psaume)

La vieille ville s'éloignait, nous la laissions derrière nous, abandonnant tous ses contrastes et ses façades aveugles aux murs épais enfermant tant de secrets au fil des ans ; dans ce même mouvement, nos poumons se remplissaient des oxydes de carbone libérés par les gaz d'échappement des voitures et des scooters. C'est ainsi que nous refaisions connaissance avec ce monde agité, né d'une illusion publicitaire à laquelle chacun adhérait pour se d****r d'une frénésie au final bien stérile, mais qu'importe la majesté du silence d'autrefois devait s'effacer devant l'insipide contraction des cent ou cent-cinquante ou encore deux cents signes imposés. Ainsi, nous plongions dans ces odeurs de gaz, d'effluves impossibles à sourcer pour certaines, de parfums pimentés s'échappant des cuisines des restaurants. Mais nos pas étaient libérés des hésitations à l'instant où nos talons pouvaient de nouveau claquer librement le revêtement bitumeux des trottoirs. Je te glissai cette confidence, enfin ce que je pensais être une confidence et qui en fait n'était qu'une banalité, mais une banalité si extraordinaire à mes yeux, ces quelques mots prudents rompant cette inhibition que je détestais tant en moi et dans mes relations à l'autre, ces quelques mots me transportant tout-à-coup sur le sommet de la colline en me présentant tel un héros. Je n'oserai affirmer ici que je fus sans peur et sans reproche, mais je fus tellement sans peur pour toi et si proche de toi, qu'il me fut d'une aisance déconcertante de te dire : «Tu sais, c'est la première fois que je marche autant avec des talons».
J'attendais une réplique. Je n'entendis rien. Je jetai un regard discret vers toi. Ton silence me perturbait.
«Je ne voulais pas te décevoir, je suis désolée» m'excusai-je alors.
«Oh...ne dis rien Lise, ne t'excuse pas, vis simplement ce moment que nous vivons, j'ignore tout de toi et je ne veux rien savoir de toi, mais je veux tout connaître de toi et de moi, je ne veux rien de l'ignorance et tout de la connaissance entre nous, c'est tout !».

De cette réplique, je me regardais totalement hébétée, je pensais aux phlyctènes au bout de mes orteils qui allaient prendre de plus en plus d'ampleur. Enfin nous arrivâmes devant cette boutique du «bonheur des dames». Parmi tous ces modèles exposés en vitrine, mon regard se fixa sur un corset de style vintage, aux couleurs noir et rouge.
«Est-ce que tu aimes ?»
«Il est vraiment hypnotique» te répondis-je.
Je ne pus m'empêcher, devant cette vitrine, toucher ton corps, sentir sous la paume de ma main tes formes, oublier ce tissu qui me séparait de ta peau. J'oubliais cette deux centième marche,... une autre obsession venait de naître. Nous entrâmes à l'intérieur en nous jetant un regard complice. Ton parfum, malgré la chaleur que nous avions traversée dans ces artères de la ville, imprimait toujours ton corps et pouvait toujours subjuguer celle ou celui qui te croisait. La vendeuse, qui nous accueillit, fut sensible à cette envoûtante exhalaison au point de te demander d'où pouvait parvenir la coloration du baume qui t'entourait.
A aucun instant elle ne fit une réflexion ou une remarque, et quand tu lui fis part de ton choix d'essayer le modèle de corset exposé en vitrine, elle ne sourcilla pas. Dans l'arrière-boutique, elle s'enquérait de ramener le modèle à ta taille et nous indiqua une cabine. Nous nous retrouvions toutes deux dans cette cabine et comme dans ce confessionnal, mais d'une toute autre dimension et d'une toute autre vertu, nos corps se firent face.
Sentir le bas de ton dos onduler se frottant sur le bas de mon ventre et que ma main, que tu venais de guider sur ton ventre, puisse prendre sa liberté et découvrir des altitudes en glissant sur ta peau, juste en l'effleurant, et ainsi rejoindre ces deux petites pointes si précieuses dans cet horizon, devenait l'aboutissement d'une extase indescriptible. Ces deux petites pointes impudiques toujours plus offertes et qui roulaient entre mes doigts se faisant ainsi toujours plus dures et plus palpitantes. Mes lèvres, posées sur ton cou, suivaient cette vallée au-dessus de ton épaule pour la remonter, s'épuisant dans la conquête d'un sommet où s'accrochaient tous les désirs félins d'être conquise. Ma langue s'attardait alors à découvrir la cavité perchée juste au-dessus de ce lobe, attendant une réaction rejetant cette insupportable titillement, et dans ce mouvement nos lèvres s'étaient alors frôlées dans ce fugace instant, s'écartant l'une de l'autre, mais une fois la surprise passée, elles s'étaient avec hésitation, dans un tout premier temps, rapprochées l'une de l'autre, et avec une envie terrible, elles s'étaient rejointes pour se coller l'une à l'autre.

Toi qui venais de faire glisser ta robe d'été sans chercher à la retenir, dans cette cabine tu n'eus que cette attente de te sentir nue, ta robe se déposant avec légèreté à tes pieds, intrépide dans sa chute et sans aucune tristesse de devoir abandonner ton corps, elle s'offrit ainsi étalant sans pudeur ses plis à mon regard. Mes yeux fouillaient l'espace pour tenter de trouver le chemin qui, partant de cette robe d'été étalée si lascivement sur le sol, me permettrait de remonter ton corps dénudé, d'une chaleur insupportable et d'une douceur irrésistible, se collant à mon corps. Moi, toujours vêtue, Toi toujours de dos ravissant mon regard pour qu'il n'ait plus comme horizon que ton épaule et tes seins, je n'avais plus que le regard de mes mains pour contempler le bas de ton corps, ton ventre si souple et ce petit nombril creusé pour y loger un doigt, tes hanches si voluptueusement arrondies par des petites fesses, tandis qu'au bas de ton nombril mes doigts allaient à la rencontre de cette petite cage enfermant l'objet qui donna toute sa semence à la naissance de l'humanité. Mes mains ne cessaient d'errer, de butiner, de virevolter, joyeuses, heureuses, émues, avec un désir intense de se perdre, de refaire le même chemin, de se perdre à nouveau, mes doigts frémissaient au point d'envelopper mes mains d'une fine moiteur, ils s'agitaient à chaque découverte, se calmaient une fois l'endroit reconnu, repéré. Ce fut ainsi que mes mains firent le périmètre de tes hanches, en savourèrent la rondeurs de tes fesses, s'attardèrent sur ce sillon séparant si opportunément ces deux hémisphères, descendant toujours plus bas entre tes jambes et ce, jusqu'à ce que l'un de mes doigts vint se poser sur cette rose des sables au milieu des dunes. Le temps de cette balade de mes mains, je sentais les vibrations de ton corps. Tu bougeais, ondulais à chaque découverte de mes doigts, ton bassin se frottait sur le bas de mon ventre, mon corps suivait ton corps comme si tous deux étaient entrés dans une danse. C'est ainsi que dans ce mouvement, nos corps firent un quart de tour, puis un demi-tour, et dans cette danse, dans ce tournoiement, je fus éblouie, étourdie, je ne pus que fermer mes yeux pour ne pas m'évanouir et je plissais très très fort mes paupières pour fixer dans cette chambre noire de mon globe oculaire cette image qui était apparue...la chair sensuelle de ton corps dans sa nudité implacable venait de se refléter dans ce miroir auquel je tournais le dos quelques instants auparavant.

« Tout va bien » s'inquiéta la vendeuse...
द्वारा प्रकाशित sisterM
3 वर्षो पूर्व
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latexdesires
latexdesires 3 वर्षो पूर्व
Even though I read your prose - or is it really prose poetry? - in translation, I still find that your words transport me so beautifully to that temple of consumerism.  Every detail of your narrative seems to dance in rhythm just as your bodies seem to dance together in the final sentences.  Thus to the saleswoman's worried question, I would answer, "Everything is quite fine, thank you."
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g-mind
प्रति sisterM : . . . concentration et intériorité, si je ne me trompe pas. Une intimité au-delà du temps et de l'espace dans laquelle gestes et actions sont une pure perception de sensations nouvelles à interpréter. J'exagère sans doute, mais est-il possible que la sensualité vue de cette manière transforme aussi le sens du temps, ce qui nous amène à le comprendre sous une autre forme, un temps retrouvé, une sensation que beaucoup d'entre nous ont éprouvée ? (un temps retrouvé. . .cela me rappelle quelque chose et le discours devient peut-être trop maladroitement élevé...)
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sisterM
sisterM प्रकाशक 3 वर्षो पूर्व
प्रति g-mind : Italien, adorez ma surprise, elle est tout à votre comble, vous maîtrisez tellement bien notre langue française que je vous imaginais francophone...Vous avez raison, l'intimité appelle ici le silence des mots mais pas celui des mouvements, des caresses, des cris et des feulements intérieurs au corps. Toute la question est le devenir de ce moment, et les personnages répondent à cette question en gravant dans la mémoire de leurs cellules toutes les sensations à fleur de peau que les mots prononcés auraient perverties. Tout est dans l'attention et la concentration en somme.
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g-mind
Encore une fois, l'intimité exige le silence et l'atmosphère sacrée d'un confessionnal, seulement d'un autre type. Malgré un bref passage dans (ou de) la ville, on arrive dans un autre temple, pourtant né de nécessités commerciales, et la substance de l'histoire se déroule toujours dans le silence et l'intimité du privé. J'aime beaucoup la description des touches sensuelles et du mouvement des mains, de la sueur érotique, et j'ai aussi été intriguée par le passage rapide sur la "cage". Qui sait, peut-être en entendrons-nous encore parler. . .
C'est toujours un plaisir de lire des ouvrages si bien écrits : bien que je sois italien, j'aime beaucoup la littérature française, malgré toutes mes erreurs d'écriture !
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KatyTravice
KatyTravice 3 वर्षो पूर्व
प्रति sisterM : Bah, je fais en sorte de vieillir sereinement et en bon état pour tirer tout le plaisir possible les années à suivre
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sisterM
sisterM प्रकाशक 3 वर्षो पूर्व
प्रति KatyTravice : Merci Katy...et tout va bien pour toi ?
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KatyTravice
KatyTravice 3 वर्षो पूर्व
Les mots vibrent fort sous ta plume...J'aime le "Tout va bien" qui nous ramène sur terre après cette envolée sensuelle, charnelle et littéraire. Bravo
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